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De Bretagne en Flandres par Jean-François Gautier pour Kistinenn |
Jan Bortoen filius
Jans, van Pypryac L'imprimeur
de Bruges, qui se donnera le nom latin de
Johannes Brito, est né à Pipriac. Son père s'appelait Jean. Ce sont les
seules
informations certaines dont on dispose sur ses origines. En effet,
lorsqu'en
1455 il achètera son statut de bourgeois de Bruges, il sera identifié
comme
étant « Van Pypryac», originaire de Pipriac, et « F. Jans », fils de
Jean. ©Archives
municipales de Bruges Dans
ce document, Brito apparaît sous son nom officiel
flamand : Jan Bortoen, que l'on retrouve dans d'autres actes de
l'époque et qui
veut dire « le Breton ». Puisque Brito est vraiment natif de Pipriac,
rien ne
s'oppose à ce qu'il soit effectivement né au village de la
Ville-aux-Greniers,
comme le dit la légende. Aucun texte ne nous informe sur le milieu
social de sa
famille : à part le prénom de son père, Jean également, aucun
renseignement sur
ses parents. Seule la légende précise que sa mère fabriquait de
l'encre. LA GILDE
DES LIBRARIERS Les
artisans du Livre forment une corporation très
diversifiée mais ont des intérêts communs à défendre. Ils se sont
regroupés au
sein d'une GILDE, association professionnelle à caractère syndical et
religieux
qui réunit les maîtres, ouvriers et apprentis de tous les corps de
métier du
livre : imagiers, calligraphes, enlumineurs, libraires, etc. La
Gilde
des Librariers était placée sous le patronage de Saint-Jean
l'Évangéliste, fêté
le 6 mai. Les
Archives municipales de Bruges sont une fabuleuse
banque de données permettant de retracer l'histoire de la ville
depuis... 1280!
Les actes antérieurs ont malheureusement disparu dans l'incendie du
beffroi en
1279. Parmi les documents conservés dans ces archives, figure un livre
de
comptes de la Gilde tenu du 6 mai 1454 au 31 décembre 1523. La Gilde
fut à coup
sûr constituée avant 1454 : dès les premières pages, il est question du
résultat de l'exercice précédent et de dettes antérieures. On ne sait
pas à
quelle année remonte la naissance de cette Gilde des Librariers. En
1454, dès la première année du registre, Brito se
trouve parmi les quarante-neufmembres de la Gilde. Il paiera
régulièrement sa
cotisation pendant près de trente ans, jusqu'en 1483. Bien entendu,
c'est sous
son nom flamand de Jan Bortoen qu'il est désigné. Ainsi, pour
l'exercice du 6
mai 1454 au 6 mai 1455 : © Archives
municipales de Bruges Item
Jan Bortoen Belooft -6 GR Le
montant de la cotisation était fixé à six gros pour
tous les membres. Des réductions étaient consenties aux apprentis, aux
femmes
et aux prêtres. LE
BOURGEOIS DE BRUGES : JAN BORTOEN Quand
Brito est-il arrivé à Bruges? Entre 1448 (il est
alors à Tournai) et 1454 puisque, cette année-là, il est déjà sur le
registre
de la Gilde. On aimerait pouvoir préciser davantage. Pour clarifier sa
situation juridique, mais aussi pour bénéficier de certains privilèges,
il va
devenir Bourgeois, c'est-à-dire citoyen à part entière de
Bruges. Étant
complètement étranger à la ville, il doit payer pour acquérir sa
nouvelle
nationalité. Ce qu'il fait le 22 mai 1455 : © Archives
municipales de Bruges Cet
extrait du registre de la Bourgeoisie de Bruges en
témoigne : « Item, xxii de
mai
(reçu) de maitre Jan Bortoen fils de Jean de Pypryac (sic) 14 livres 8
sols
parisis ». Le
candidat à la bourgeoisie devait se faire parrainer
et déposer une caution. Après une période probatoire, il était en
mesure
d'acheter sa bourgeoisie. Et, un an plus tard : © Archives
municipales de Bruges Traduction :
« Maitre Jan Le
Bortoen, fils de Jean, né à Prypryac (sic) en France, a
acheté sa bourgeoisie le vingt-deuxième jour de mai vingt-quatre
sols de gros ». Ce
document est signé par Rolant Rasin,
clerc. Brito
a donc décidé de jeter l'ancre et de s'installer
définitivement à Bruges. Membre de la Gilde des Librariers, bourgeois
de
Bruges, Brito jouit d'une situation sociale confortable. MEESTER
JAN BORTOEN À
partir de 1458, on lui adjoint le titre de Meester
(Maître) qu'il avait à Tournai et qu'il conservera dans tous les
documents
ultérieurs de la Gilde. Curieusement, Colard Mansion, son confrère,
calligraphe
qui lui aussi deviendra imprimeur, ne sera jamais honoré de ce titre.
Ce qui ne
l'empêchera pas de devenir doyen de la Gilde. En
1460 ou 1461, Brito perd sa première femme.
On ne sait ni où ni quand ils se sont mariés. Ni même le nom de
l'épouse. Ils
ne semblent pas avoir eu de descendance : aucun texte ne fait mention
d'enfant
de ce premier mariage. Brito paie en plus de sa cotisation annuelle une
somme
de quatorze gros représentant la dette mortuaire (doot) de sa femme : «
Item
ontfaen van der doot van Meester Jan Britoenswive 14 gr ». Notons
au passage que l'écriture des noms propres est
assez arbitraire. Par exemple, Colard (ou Colaert ou Colart) Mansion
est
orthographié Mansion, Manchion, Manzioen ou Monsyoen. Pour Brito, on
trouve les
graphies Bortoen, Britoen, Brytoen, Briton, Breton. Notons également
que
Bortoen se prononce Bortoune. Jusqu'en
1465, Brito paie six gros de cotisation
annuelle. À partir de cette date, elle passe à quatre gros, somme qu'il
acquittera tous les ans jusqu'à la fin. Pourtant, les autres membres de
la
Gilde continueront de régler leurs six gros... On
s'est interrogé sur le motif de cette réduction
exceptionnelle dans les annales de la Gilde. Selon G. van Severen, pour
qui
Brito est le véritable inventeur de la typographie, il faut voir dans
cette
réduction un témoignage de reconnaissance de toute la profession envers
le
génial créateur. On a aussi expliqué cet abattement de cotisation par
une
protection spéciale du duc de Bourgogne. L'explication reste à trouver.
Et à
prouver. PLUSIEURS
ACTIVITÉS Pendant
près de trente ans, Brito adhère à la Gilde.
Le registre qui en témoigne ne donne pourtant aucune précision sur sa
(ou ses)
profession(s). Dans la mesure où Brito fut « escripvans » et «
maistre de
le escripture », il a sûrement gagné sa vie comme calligraphe. À
Bruges, les
commandes ne manquent pas pour un bon copiste. Elles lui permettent de
bien
vivre et de rencontrer des gens influents. Au nombre de ses relations,
il faut
citer Anthonisde Roovere, l'un des auteurs de la « Chronique de Flandre
».
Historien, écrivain, poète officiel de la ville de Bruges, peut-être
architecte
de formation, de Roovere est une personnalité brugeoise. Jan Bortoen
l'a bien
connu. Il signera en 1482 un poème en flamand, « Clachteopdedoodt van
Anthonis
de Roovere », dédié à son ami qui vient de mourir. Bortoen
s'intéresse à la langue et à la littérature
flamandes. Il fera deux impressions des DistichaCatonis (dont il avait
copié le
texte dans son manuscrit) en version bilingue : latin-français et
latin-flamand. Il sera aussi l'imprimeur d'une traduction française du
WapeneMartin
(Harau Martin), œuvre centrale de Jacob van Mærlant, poète flamand du xiiie siècle.
Plusieurs
indices laissent croire que le traducteur n'est pas originaire de
Flandre: s'il
comprenait bien le flamand, certaines finesses linguistiques lui
échappaient.
Il serait sans doute de langue française. L'œuvre aurait été traduite
par Brito
lui-même. Il fut en tout cas parmi les tout premiers – certains disent
même LE
premier – à imprimer des textes en flamand. Artisan
de l'écrit, Bortoen ne pouvait que
s'intéresser à la production « industrielle » de documents imprimés. À
cette
époque, sont produits dans la région des livres imprimés selon le
procédé de la
xylographie : bois gravés, creusés, encrés. Enfant, Brito en avait fait
par
hasard l'expérience. En 1475, il imprime des images pieuses, peut-être
selon ce
procédé. Sa production est commercialisée sur place mais aussi exportée
par
l'intermédiaire de Ghijs « de parkement maker » (le fabricant de
parchemin) inscrit à la Gilde en 1472. DÉBUTS
DE LA TYPOGRAPHIE À BRUGES L'imprimerie
ne fut pas inventée à Bruges par Brito.
Elle ne débute dans cette ville qu'en 1472, soit quinze ans après le
premier
livre daté imprimé à Mayence. Le fait paraît bien établi. Trois hommes
vont
implanter la typographie à Bruges : William Caxton, Colart Mansion et
Jan
Brito. Ces deux derniers sont des hommes de l'art, calligraphes
professionnels,
membres de la Gilde. Mansion en sera même le doyen, avant de quitter
Bruges en
1484 pour Abbeville, à la suite de problèmes financiers ou politiques.
Brito et
Mansion se connaissent bien, même s'ils sont concurrents. Mansion,
semble-t-il,
était francophile, mais pas Brito qui imprima un pamphlet contre le roi
de
France. Caxton
est un personnage assez mystérieux. À la tête
des « Merchants Adventurers », ayant le titre et les fonctions de «
Governor of
the English Nation », il occupe une position sociale importante. Chargé
des
intérêts anglais dans toute l'Europe du Nord, il voyage beaucoup. C'est
au
cours d'un séjour à Cologne qu'il découvre la typographie. De retour à
Bruges
en 1472, il va se lancer dans l'impression. Ou plutôt dans l'édition :
contrairement à Brito et Mansion, Caxton n'a jamais été membre de la
Gilde.
S'il dispose des capitaux et du matériel, il n'a pas des mains
d'imprimeur : il
a besoin de spécialistes. Mansion et Brito feront partie de l'équipe. Caxton
va traduire, faire imprimer, éditer. Et
comprendre très vite l'importance de la typographie. En 1476, il a
quitté
Bruges pour l'Angleterre : il installe près de Westminster la première
imprimerie
anglaise. |
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